L'absinthe ne vaut rien après déjeuner.
Locution peu usitée, que l'on peut traduire: Il est
désagréable, en revenant de prendre son repas, de trouver sur sa
casse de la correction à exécuter. Dans cette locution, on
joue sur l'absinthe, considérée comme breuvage et comme plante.
La plante possède une saveur amère. Avec quelle
amertume le compagnon restauré, bien dispos, se voit
obligé de se coller sur le marbre pour faire un travail non
payé, au moment où il se proposait de pomper avec acharnement.
Déjà, comme Perrette, il avait escompté cet
après-dîner productif.
Lapin (MANGER UN),
V. Aller à l'enterrement d'un camarade. Cette locution vient sans doute
de ce que, à l'issue de la cérémonie funèbre, les
assistants se réunissaient autrefois dans quelque restaurant avoisinant
le cimetière et, en guise de repas des funérailles, mangeaient un
lapin plus ou moins authentique. Cette coutume tend à disparaître;
aujourd'hui, le lapin est remplacé par un morceau de fromage ou de la
charcuterie et quelques litres de vin.
Nous avons connu un compositeur philosophe, le meilleur garçon du monde,
qui, avec raison, se croyait atteint d'une maladie dont la terminaison lui
paraissait devoir être fatale et prochaine. Or, une chose surtout le
chiffonnait: c'était la pensée attristante qu'il n'assisterait
pas au repas de ses funérailles; en un mot, qu'il ne mangerait pas
son propre lapin. Aussi, à l'automne d'antan, par un beau dimanche
lendemain de banque, lui et ses amis s'envolèrent vers le bas Meudon et
s'abattirent dans une guinguette au bord de l'eau. On fit fête à
la friture, au lapin et au vin bleu. Le repas, assaisonné de
sortes et de bonne humeur, fut très gai, et le moins gai de tous
ne fut pas le futur macchabée. N'est-ce pas gentil ça [6] ?
C'est jeudi. Il est midi; une trentaine de personnes attendent à la
porte de l'Hôtel-Dieu que l'heure de la visite aux parents ou aux amis
malades ait sonné. Pénétrons avec l'une d'elles, un
typographe, " dans l'asile de la souffrance. " Après avoir
traversé une cour étroite, gravi un large escalier,
respiré ces odeurs douceâtres et écoeurantes qu'on ne
trouve que dans les hôpitaux, nous entrons dans la salle Saint-Jean, et
nous nous arrêtons au lit n° 35. Là gît un homme encore
jeune, la figure hâve, les traits amaigris, râlant
déjà. Dans quelques heures, la mort va le saisir; c'est le faux
noyé dont il a été question à l'article
ATTRAPE-SCIENCE. Au bruit que fait le visiteur en s'approchant de son lit, le
moribond tourne la tête, ébauche un sourire et presse
légèrement la main qui cherche la sienne. Aux paroles de
consolation et d'espoir que murmure son ami, il répond en hochant la
tête: " N-i-ni, c'est fini, mon vieux. Le docteur a dit que je ne
passerais pas la journée. Ça m'ennuie... Je tâcherai
d'aller jusqu'à demain soir... parce que les amis auraient ainsi samedi
et dimanche pour boulotter mon lapin." Cela ne vaut-il pas le
Plaudite! de l'empereur Auguste, ou le " Baissez le rideau la farce est
jouée! " de notre vieux Rabelais?
Lardée,
s. f. " Composition remplie d'italique et de romain. " (P. Vinçard.)
Vieilli.
Larrons.
V. VOLEURS, s. m. pl.
Lever les petits clous.
V. Composer. Un bon leveur est un ouvrier qui compose habilement et
vite.
Lézardes,
s f. Raies blanches produites dans la composition par la rencontre fortuite
d'espaces placées les unes au-dessous des autres. On y remédie
par des remaniements.
Lignard,
s. m. Compositeur qui fait spécialement la ligne courante.
Lignes à voleur,
s. f. pl. Lignes composées d'une syllabe ou d'un mot de trois ou quatre
lettres qu'il était possible de faire entrer dans la ligne
précédente en espaçant moins large. Les lignes à
voleurs, sont faciles à reconnaître, et elles
n'échappent guère à l'oeil d'un correcteur exercé,
qui les casse d'ordinaire impitoyablement. Les lignes étant
comptées pleines, on conçoit l'intérêt du
compositeur à n'avoir qu'un mot à mettre dans une ligne.
Toutefois c'est le fait d'ouvriers peu soigneux.
Lire,
v. a. Indiquer sur une épreuve, à l'aide de signes particuliers,
les fautes qu'on y découvre. Lire et corriger sont pour le
correcteur des mots synonymes. || Lire en première, Corriger la
première épreuve, celle qui est faite immédiatement
après le travail du compositeur. || Lire en seconde ou en
bon, Corriger l'épreuve déjà lue par l'auteur et sur
laquelle il a écrit: bon à tirer. || Lire au pouce,
Corriger en première sans l'aide d'un teneur de copie.
Loup,
s. m. Créancier, et aussi la dette elle-même. || Faire un
loup, c'est prendre à crédit, principalement chez le marchand
de vin. Le jour de la banque, le créancier ou loup vient
quelquefois guetter son débiteur (nous allions dire sa proie) à
la sortie de l'atelier pour réclamer ce qui lui est dû. Quand la
réclamation a lieu à l'atelier, ce qui est devenu très
rare, les compositeurs donnent à leur camarade et au créancier
une roulance, accompagnée des cris: Au loup! au loup!
Loup-phoque,
s. m. Celui qui est hannetonné. Ce mot a été nouvellement
introduit dans l'atelier typographique. L'orthographe que nous donnons ici
est-elle exacte? Nous ne savons; peut-être est-ce LOUP-FOC OU LOUFOC.
Louvetier,
s. m Celui qui fait des dettes, qui a des loups. Ce terme est pris en
mauvaise part, car le typo auquel on l'applique est
considéré comme faisant trop bon marché de sa
dignité.
Le typographe auquel il est fait allusion
ici s'appelait Genty; il est mort depuis que ces lignes ont été
écrites.