Cabot,
s. m. Chien, et surtout Chien de petite taille. || Ce mot n'est pas particulier
à l'argot typographique.
Cadratins.
s. m. pl. Petits parallélépipèdes de même
métal et de même force que les caractères d'imprimerie,
mais moins hauts que les lettres de diverses sortes. Ils servent à
renfoncer les lignes pour marquer les alinéas et portent sur une de
leurs faces un, deux ou trois crans. || Jeu des cadratins. On joue avec
ces petits prismes rectangulaires à peu près comme avec les
dés à jouer. Les compositeurs qui calent, et même ceux qui
ne calent pas, s'amusent quelquefois à ce jeu sur le coin d'un marbre.
Quand le joueur n'amène aucun point, on dit qu'il fait
blèche. Il va sans dire que l'enjeu est toujours une chopine, un
litre ou toute autre consommation.
Les typographes appellent aussi cadratin le chapeau de haute forme,
désigné dans l'argot parisien sous le nom si juste et si
pittoresque de tuyau de poêle.
Calance,
s. f. Action de caler, état de celui qui cale.
Caler,
v. intr. Rester sans ouvrage. Le typographe cale pour deux raisons: soit
parce qu'il manque de copie, soit parce que les sortes font défaut;
quand il n'a pas de disposition au travail, il flème.
Caleur,
s. m. Ouvrier qui n'a pas de travail. C'est à tort que B.
Vinçard, qui s'intitule " typographiste," et avant lui Momoro, " le
premier imprimeur de la Liberté ", définissent le caleur:
Celui qui est nonchalant ou ivrogne. En tout cas le mot n'a plus aujourd'hui
cette signification blessante.
Canard,
s. m. Nom familier par lequel on désigne les journaux quotidiens, et
quelquefois les autres publications périodiques. Le Journal
officiel est un canard, le Moniteur universel est un
canard, tout aussi bien que le Journal des tailleurs et que le
Moniteur de la cordonnerie ou le Bulletin des halles et
marchés.
Canardier,
s. m. Compositeur d'un journal.
Caneton,
s. m. Petit canard, journal de peu d'importance. V. FEUILLE DE CHOU.
Canuler,
v. a. Ennuyer, fatiguer.
Canuleur,
adj. Ennuyeux, fatigant.
Caristade,
s. f. Secours que l'on donne aux passants. V. PASSADE et ROULEUR.
Carton
(DE). De peu de valeur. || Correcteur, compositeur de carton.
Correcteur, compositeur inhabile. Cette expression est à peu près
synonyme de MIE DE PAIN.
Casquer,
v. intr. Payer plus souvent qu'à son tour: Faire casquer un
plâtre. || Par extension, Taquiner.
Casse,
s. f. Ensemble des deux compartiments qui contiennent les diverses sortes de
lettres. La casse se divise en deux parties: le bas de casse et
le haut de casse; la première renferme les lettres minuscules,
les cadrats, les cadratins, les signes de ponctuation, etc.; la seconde, les
majuscules, les petites capitales, les lettres accentuées et diverses
autres sortes moins usitées que celles du bas de casse. || Au
figuré, Fond de casse, Reste d'une barbe de la veille.
Casseau,
s. m. Espèce de casse dans laquelle on met des lettres de deux points,
des fractions et autres signes. Les casseaux sont aussi des tiroirs
munis de cassetins; enfin, on donne encore le nom de casseau à
chacune des deux parties de la casse.
Casser sa pipe,
v. Mourir. Cette expression est passée dans le langage du peuple
parisien.
Cassetin,
s. m. Subdivision de la casse, petit compartiment dans lequel on met chaque
sorte de lettres ou signes typographiques.
C'est à cause des mouches.
Réplique goguenarde que l'on fait à une question à
laquelle on ne veut pas répondre. Un lundi après midi, un
frère gouailleur interpelle ainsi son camarade: Eh ! dis donc,
compagnon, pourquoi n'es-tu pas venu à la boîte ce matin?
L'autre répond par ce coq-à-l'âne: C'est à cause
des mouches.
Chapelain,
s. m. Celui des ouvriers qui tient les copies de chapelle. (B. Vinçard.)
Inusité depuis que la chapelle n'existe plus.
Chapelle,
s. f. Réunion des typographes employés dans la même
imprimerie, et qui constituait une sorte de confrérie. Les
chapelles n'existent plus.
Chercher la petite bête,
v. Être trop minutieux dans le travail. C'est surtout aux correcteurs
qu'on reproche de chercher la petite bête. Que ne leur
reproche-t-on pas encore !
Cheveu,
s. m. Travail qui offre des difficultés ou qui est ennuyeux et peu
lucratif.
Cheveux (AVOIR MAL AUX),
v. Avoir un mal de tête occasionné par des excès bachiques
faits la veille.
Chèvre,
s. f. Mécontentement, colère. || Gober sa chèvre,
c'est s'irriter, se fâcher, poussé à bout par les
plaisanteries de l'atelier ou pour toute autre cause. Cette expression est
très ancienne. Molière l'emploie en un sens très voisin de
celui qu'elle a aujourd'hui, dans Sganarelle ou le Cocu imaginaire
(scène XII), pièce représentée en 1660:
D'un mari sur ce point j'approuve le souci;
Mais c'est prendre la
chèvre un peu bien vite aussi.
Chevrotin,
s. m. Irascible, toujours mécontent et grondeur. V. CHÈVRE.
Chien,
s. m. Lettre tombée d'une forme ou qui se trouve sur le marbre au moment
où l'on y dépose un châssis. Le chien fait
lever le texte quand on desserre, en sorte qu'il est impossible de
taquer sans écraser le caractère.
Chiens perdus
ou bien Chiens noyés,
s. m. pl. C'est ainsi que les journalistes désignent les nouvelles
diverses. Le metteur en pages a besoin d'un chien perdu pour boucher
un trou, quand les rédacteurs n'ont pas fourni assez de copie.
Chier dans le cassetin aux apostrophes,
v. Cette phrase grossière et malséante peut se traduire en
langage honnête par: " Quitter le métier de typographe. "
Chiper,
v. a. Prendre de la lettre, des sortes ou des espaces à son camarade. On
dit aussi FRICOTER.
Chiquer des sortes,
V. Synonyme de FRICOTER.
Chou pour chou (ALLER),
v. Suivre exactement la copie imprimée. C'est l'équivalent de
KIF-KIF.
Choux (ÊTRE DANS LES).
Se dit, dans les journaux, par les compagnons qui, pour une cause ou pour une
autre, craignent de ne pas arriver à faire leur pige; dans les maisons
de labeur, lorsque, le jour du batiau approchant, on craint de ne
pouvoir arriver à faire une banque moyenne.
Chouflic,
s. m. Mauvais ouvrier. Expression employée dans d'autres argots.
Claquer,
v. int. Mourir. Ce mot n'est pas particulier aux typographes. Alfred Delvau,
dans son Dictionnaire, l'attribue aux faubouriens. Il est aussi bien
compris dans le centre de la ville qu'aux faubourgs.
Cliché,
e. m. Réplique ou propos qui est toujours le même. || Tirer son
cliché, c'est avoir toujours la même raison à objecter
ou dire constamment la même chose.
Clous (PETITS),
s. m. pl. Caractères d'imprimerie. || Lever les petits clous,
c'est être typographe, paquetier.
Coloquinte (AVOIR UNE ARAIGNÉE DANS LA),
V. Avoir le cerveau fêlé. V. HANNETON.
Commandite,
s. f. Association d'ouvriers pour la composition d'un travail quelconque. Les
grands journaux de Paris sont, à peu d'exceptions près, tous
faits en commandite.
Il existe dans le public, à propos de la commandite
typographique, une erreur qu'il importe de rectifier. Pour les uns, c'est le
partage des bénéfices entre le patron et les ouvriers qu'il
emploie; pour d'autres, c'est l'annihilation même du patron, qui ne
serait plus alors qu'un simple bailleur de fonds. La commandite n'est
pas du tout cela. Un client apporte au bureau un journal quotidien à
imprimer, par exemple; le prix est débattu et fixé entre celui-ci
et le maître imprimeur, ou plus ordinairement son prote, ce qui revient
au même. Ce dernier désigne alors un certain nombre d'ouvriers
pour exécuter le travail, seize à vingt pour les grands journaux,
ou bien il charge l'un d'eux de réunir l'équipe
nécessaire. Ces ouvriers élisent leur metteur en pages et se
partagent chaque semaine la somme qui leur revient d'après le Tarif, en
faisant toutefois un léger avantage au metteur. Voilà la
commandite. Il y en a de deux sortes: la commandite autoritaire
et égalitaire est celle au sein de laquelle chaque associé
est obligé de faire un minimum de lignes déterminé, la
somme gagnée étant ensuite partagée également entre
tous les associés; et la commandite au prorata, dans laquelle
chacun touche d'après le travail qu'il a fait. C'est la plus juste des
deux et la plus humaine: les jeunes gens et les vieillards peuvent y trouver
place; les hommes dans la force de l'âge et de l'habileté n'y
perdent rien.
Compagnon,
s. m. Camarade de rang. Dans les ateliers, les rangs sont disposés pour
deux compositeurs; chacun des deux est le compagnon de l'autre: Dis donc,
mon compagnon, prête-moi ta pointe.
Compositrice,
s. f. Jeune fille ou femme qui se livre au travail de la composition. Nous ne
réveillerons pas ici la question tant de fois débattue du travail
des femmes; nous ne rappellerons pas les discussions qui se sont
élevées particulièrement à propos de la mesure
prise par la Société typographique, qui interdisait à ses
membres les imprimeries où les femmes sont employées à la
casse à un prix inférieur à celui fixé par le Tarif
accepté. Contentons-nous de dire que nous sommes de l'avis de MM. les
typographes qui, plus moraux que les moralistes, trouvent que la place de leurs
femmes et de leurs filles est plutôt au foyer domestique qu'à
l'atelier de composition, où le mélange des deux sexes
entraîne ses suites ordinaires. -- Quoi qu'il en soit, il existe des
compositrices; nous devions en parler. MM. les philanthropes qui les emploient
vont les recruter dans les ouvroirs, les orphelinats ou les écoles
religieuses. Ces jeunes filles, en s'initiant tant bien que mal à l'art
de Gutenberg, ne manquent pas de cueillir la fine fleur du langage de l'atelier
et de devenir sous ce rapport dé vraies typotes comme elles se
nomment entre elles. L'argot typographique ne tarde pas à se substituer
à la langue maternelle; mais il en est de l'argot comme de l'ivrognerie:
ce qui n'est qu'un défaut chez l'homme devient un vice chez la femme, et
il peut en résulter pour elle plus d'un inconvénient. L'anecdote
suivante en fournit un exemple: Un employé, joli garçon,
courtisait pour le bon motif sa voisine, une compositrice blonde, un peu
pâlotte (elles le sont toutes), qui demeurait chez ses parents. La jeune
fille n'était point insensible aux attentions de son galant voisin. Un
samedi matin, les deux jeunes gens se rencontrent dans l'escalier: " Bonjour,
mademoiselle, dit le jeune homme en s'arrêtant; vous êtes bien
pressée.-- Je file mon noeud ce matin, répondit- elle;
c'est aujourd'hui le batiau, et mon metteur goberait son boeuf si je
prenais du salé. " Ayant dit, notre blonde disparaît.
Ahurissement de l'amoureux, qui vient d'épouser une Auvergnate à
laquelle il apprend le français.
Nous avons dit plus haut que les typographes, en proscrivant les femmes de
leurs ateliers, avaient surtout en vue la conservation des bonnes moeurs
à laquelle nuit, comme chacun sait, la promiscuité des sexes. Ce
qui suit ne démontre-t-il pas qu'ils n'ont pas tort ? Un jour, ou
plutôt un soir, une bande de typos en goguette faisait irruption
dans une de ces maisons de barrière qu'on ne nomme pas. L'on d'eux,
frappé de l'embonpoint plantureux d'une des nymphes du lieu, ne put
retenir ce cri: " Quel porte-pages ! " La belle, qui avait été
compositrice, peu flattée de l'observation du frère, lui
répliqua aussitôt :" Possible ! mais tu peux te fouiller pour la
distribution. " (Authentique.)
L'admission des femmes dans la typographie a eu un autre résultat
fâcheux: elle a fait dégénérer l'art en
métier. Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner les ouvrages sortis
des imprimeries où les femmes sont à peu près
exclusivement employées
Conscience,
s. f. L'ensemble des ouvriers qui travaillent à la journée ou
à l'heure, par opposition à ceux qui travaillent aux
pièces.
Copie,
s. f. Ce qui sert de modèle au compositeur. Elle est manuscrite ou
imprimée; la copie manuscrite est, on le comprend, payée un peu
plus cher que la réimpression. || Au figuré, Faire de la copie
sur quelqu'un, c'est dire du mal de lui, en médire.
Copie de chapelle,
s. f. Exemplaire donné par l'auteur aux ouvriers. Ce mot est
tombé en désuétude, les auteurs ne donnant plus
d'exemplaire aux ouvriers, et les chapelles ayant cessé d'exister.
Coquilles,
s. f. pl. Lettres mises pour d'autres, par manque d'attention. Voir. p. 109,
notre article spécial et un choix de coquilles célèbres ou
curieuses.
Coule (ÊTRE À LA),
V. Être bien au fait d'un travail, être rompu aux us et coutumes de
l'imprimerie. Cette locution a passé dans d'autres argots.
Coup de feu,
s. m. Ivresse commençante. V. BARBE.
Coupé (ÊTRE),
v. Être sans argent.
Couper,
v. intr. Tomber dans un piège, accepter comme vraie une assertion qui ne
l'est pas; croire à la véracité d'un récit plus ou
moins vraisemblable: Je ne coupe pas, je n'en crois rien.
Crachoir (TENIR LE),
V. Parler plus souvent qu'il ne faut, et quelquefois à tort et à
travers; faire l'orateur. Expression employée aussi dans le langage
vulgaire.
Crampser
ou Crimpser,
v. intr. Mourir. Syn. de CLAQUER.
Cran,
s. m. Entaillure faite à la lettre pour en distinguer le sens. || Au
figuré, Avoir son cran, c'est Avoir son boeuf ou sa
chèvre, mais à un degré moindre.
Crever,
v. a. Débaucher, congédier: Il a laissé sa copie en
plan pendant deux jours, le prote l'a crevé. || Être
crevé à balle, Être débauché d'une
manière tout à fait définitive, sans espoir de rentrer.
Cuiller à pot,
s. f. Grand composteur: il se sert d'une cuiller à pot pour
composer.
Cuite,
s. f. Ivresse complète. D'où peut venir ce mot? Rappelons-nous
que Chauffer le four, c'est boire beaucoup, s'enivrer. La cuite
ne serait-elle pas tout naturellement le résultat du four
chauffé et surchauffé. V. TUITE.
Culotte (PRENDRE UNE),
v. S'enivrer. || Avoir une culotte, Être ivre. Expression commune
à d'autres argots. V. POIVREAU.