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B


Balade, s. f. " Promenade, flânerie, " dit Alfred Delvau. C'est vrai; mais, pour les typographes, la balade est quelque chose de plus; c'est une promenade au bout de laquelle il y a un déjeuner, un dîner, ou tout au moins un rafraîchissement; c'est aussi la promenade au hasard et sans but déterminé; mais il arrive presque toujours que l'un des baladeurs a une idée lumineuse et entraîne ses camarades dans quelque guinguette renommée.

Balader (SE), v. pr. Flâner, se promener sans but déterminé.

Baladeur, adj. Qui aime à se balader, à faire une balade.

Balle (ENFANT DE LA), S. m. Ouvrier compositeur dont le père était lui-même typographe, et qui, depuis son enfance, a été élevé dans l'imprimerie. L'origine de cette expression, qui est passée dans la langue vulgaire, est assez peu connue. Elle vient de ce que, avant l'invention des rouleaux, on se servait, pour encrer les formes, de tampons ou balles.

Banque, s. f. Paye des ouvriers. Le prote fait la banque aux metteurs en pages, qui à leur tour la font aux paquetiers. Ce mot entre dans plusieurs locutions. Par exemple on dit: La banque a fouaillé, pour indiquer que le patron n'a pas payé au jour dit. || Etre bloqué à la banque, c'est ne rien recevoir. || Faire banque blèche s'emploie dans le même sens

Barbe , s. f. . La barbe dit l'auteur de Typographes et gens de lettres, c'est ce moment heureux, ce moment fortuné, qui procure au malheureux une douce extase et lui fait oublier ses chagrins, ses tourments et sa casse! Que ne trouve-t-on, pas dans cette dive bouteille? Pour tous, elle est un soulagement aux travaux ennuyeux ; pour quelques-uns m moyen de distraction; d'autres y cherchent l'oubli, un certain nombre l'espérance. " La barbe a des degrés divers. Le coup de feu est la barbe commençante. Quand l'état d'ivresse est complet, la barbe est simple: elle est indigne quand le sujet tombe sous la table, cas extrêmement rare. Il est certains poivreaux qui commettent la grave imprudence de promener leur barbe à l'atelier; presque tous deviennent alors Pallasseurs, surtout ceux qui sont taciturnes à l'état sec.

Barboter, v. a. Voler des sortes dans la casse de ses camarades. Se dit souvent à la place de FRICOTER et de PILLER.

Barboteur, s. m. Synonyme de FRICOTEUR et de PILLEUR DE BOÎTES.

Bardeau, s. m. Casseau contenant diverses sortes d'un même caractère.

Bassin, s. m. Homme ennuyeux. Ce mot appartient aussi à l'argot parisien et n'est pas spécial à la typographie: Tais-toi, vieux bassin. || On dit aussi BASSINOIRE.

Batiau, s. m. Le jour du batiau est celui où le compositeur fait son bordereau et arrête son compte de la semaine ou de la quinzaine. || Parler batiau, c'est parler des choses de sa profession, c'est-à-dire pour les typographes des choses de l'imprimerie.

Batt, adv. Très bien. Peu usité. Orthographe douteuse.

Battage, s. m. Plaisanterie , mensonge; synonyme de MONTAGE.

Batteur, s. m. Qui fait des mensonges, des battages.

Battre le briquet, v. Heurter la lettre au composteur avant de l'y laisser tomber. MM. les compositeurs ne sont pas exempts de tics dans l'accomplissement de leur tâche. Il en est de très préjudiciables à la rapidité du travail et conséquemment au gain qui en résulte. Quelques compositeurs mettent en mouvement tous leurs membres, tandis que le bras droit seul doit agir; d'autres s'y reprennent à deux fois pour saisir la lettre; d'autres piétinent; mais le défaut le plus commun est de battre le briquet.

Bê ! bê !, Cri d'appel, imitant le bêlement du mouton, que poussent, dans quelques ateliers au coup de quatre heures, les imprimeurs et conducteurs altérés.

Bêcher, v. a. Dire du mal de quelqu'un; faire des cancans sur son compte. Ce mot, dont le sens est à peu près le même que celui de Casser du sucre, n'est pas particulier au langage des typographes, non plus que cette dernière expression.

Becqueter, v. a. Manger; synonyme de BOULOTTER.

Béquet, s. m. Hausse en papier que l'imprimeur ajoute à la mise en train ou place sous un cliché. || Composition de quelques lignes. Ce mot est emprunté au langage des cordonniers pour lesquels il signifie Petit morceau de cuir joint à la semelle.

Bergère s. f. Dans la langue typographique, comme dans les autres argots ce mot désigne une femme.

Bibasse (LA) s. f. Nom familier sous lequel était désignée la Société typographique de Lyon.

Bibassier, s. m. Qui a l'habitude de boire, de bibasser (du latin bibere); ivrogne. Signifie plutôt maintenant radoteur, maussade, tatillon, gourgousseur: Vieux bibassier, va!

Bibelot, s. m. En imprimerie, on donne ce nom aux travaux de peu d'importance, tels que factures, adresses, étiquettes, prospectus, circulaires, lettres de mariage, billets de mort, etc. Ces travaux sont aussi appelés bilboquets, et mieux ouvrages de ville.

Bibelotier, s. m. C'est l'ouvrier spécial chargé de faire les bibelots. Pour lui, les règles adoptées en typographie sont lettre morte. Il doit avant tout s'assimiler et faire ressortir l'idée du client, sans s'inquiéter des règles ordinaires. Le bibelotier est le metteur en oeuvre des puffistes et des charlatans du jour. Il est l'inventeur de ces réclames bizarres qui forcent l'attention; c'est lui qui a imaginé la disposition des billets de la loterie du lingot d'or et autres balançoires.

Bibi). Expression équivalente à celle-ci: À Charenton! Bibi est ici l'abréviation de Bicêtre, asile d'aliénés pour les fous qui ne peuvent payer de pension. On envoie à Bibi ceux dont les pallas sont ou paraissent insensés.

Bilboquet, s. m. V. BIBELOT.

Blèche (FAIRE), v. Amener un coup nul au jeu des cadratins. || Par extension, faire banque blèche, c'est ne pas toucher de banque. V. BANQUE.

Bloquer, v. a. Remplacer provisoirement un signe typographique dont on manque par un autre de même force. || Par extension, Manquer, faire défaut, faillir. Bloquer le mastroquet, c'est ne pas payer le marchand de vin.

Boche (TÊTE DE), S. f. Tête de bois. Ce terme est spécialement appliqué aux Belges et aux Allemands. parce qu'ils comprennent assez difficilement, dit-on, les explications des metteurs en pages, soit à cause d'un manque de vivacité intellectuelle, soit à cause de la connaissance imparfaite qu'ils ont de la langue française et de leur impardonnable ignorance de l'argot typographique.

Boeuf, s. m. Colère, mécontentement; synonyme de CHÈVRE. V. ce mot. Ajoutons cependant que le boeuf est un degré de mécontentement plus accentué que la chèvre. Le boeuf est une chèvre à sa plus haute puissance. || Gober, avoir son boeuf, Être très contrarié, se mettre en colère.

Boeuf, s. m. Composition de quatre ou cinq lignes qu'un compagnon fait gratuitement pour son camarade momentanément absent. S'emploie presque exclusivement dans les journaux. On disait autrefois TOCAGE.

Boeufier, s. m. Facile à mettre en colère, qui gobe facilement son boeuf.

Boire de l'encre. C'est la situation fâcheuse à laquelle parait réduit un frère qui, invité à prendre sa part d'une consommation, arrive quand la fiole a été vidée rubis sur l'ongle. Dans son désappointement, il ne manque pas de s'écrier: Est- ce que vous croyez que je vais BOIRE DE L'ENCRE? Non, car on fait alors apporter aussitôt une autre fiole.

Boîte, s f. Imprimerie, et particulièrement mauvaise petite imprimerie. C'est une boîte, dit un vieux singe; il y a toujours mèche, mais hasard ! au bout de la quinzaine banque blèche. || Casse. Faire sa boîte, c'est distribuer dans sa casse. || Pilleur de boîtesou fricoteur, celui qui prend, à l'insu et au détriment de ses compagnons, et dans leurs casses, les sortes de caractères les plus courantes dans l'ouvrage qu'il compose, et qui manquent au pilleur ou qu'il a déjà employées. V. PLANQUER LES SORTES.

Bon, s. m. Épreuve sur laquelle l'auteur a écrit: Bon à tirer, c'est-à-dire bon à imprimer. Cette épreuve est lue une dernière fois, après l'auteur, par le correcteur en seconde ou en bon.

Bon (AVOIR DU), V. Avoir de la composition non portée sur son bordereau, et qu'on garde pour la compter à la prochaine banque. C'est le contraire du salé.

Bonhomme (FAIRE) , V. Se dit, au jeu des cadratins, quand l'un d'eux, par un hasard inouï, reste debout. Ce coup merveilleux annule le coup de blèche.

Bonnet, s. m. Espèce de ligue offensive et défensive que forment quelques compositeurs employés depuis longtemps dans une maison, et qui ont tous, pour ainsi dire, la tête sous le même bonnet. Rien de moins fraternel que le bonnet. Il fait la pluie et le beau temps dans un atelier, distribue les mises en pages et les travaux les plus avantageux à ceux qui en font partie d'abord, et, s'il en reste, aux ouvriers plus récemment entrés qui ne lui inspirent pas de crainte. Le bonnet est tyrannique, injuste et égoïste, comme toute coterie. Il tend, Dieu merci! à disparaître; mais c'est une peste tenace.

Boulage, s. m. Rebuffade, refus.

Bouler, v. a. Refuser, mal accueillir, repousser.

Boulotter, v. intr. Manger. || Aller boulotter, c'est aller prendre son repas. Cette expression est commune à d'autres argots.

Bourdon, s. m. Omission d'un mot, d'un membre de phrase ou d'une phrase. Ces omissions exigent souvent un grand travail pour être mises à leur place quand la feuille est en pages et imposée dans les châssis. V. JACQUES (Aller à SAINT-), ALLER EN GALILÉE, EN GERMANIE.

Le bourdon défigure toujours le mot ou la phrase d'une façon plus ou moins complète. On raconte que la guerre de Russie, en 1812, fut occasionnée par un bourdon. Le rédacteur du Journal de l'Empire, en parlant d'Alexandre et de Napoléon, avait écrit: " L'union des deux empereurs dominera l'Europe. " Les lettres ion furent omises et la phrase devint celle-ci: "L'UN des deux empereurs dominera l'Europe. " L'autocrate russe ne voulut jamais croire à une faute typographique. Avouons-le tout bas, nous sommes de son avis; car trois lettres tombées au bout d'une ligne, c'est... phénoménal.

L'exemple suivant n'est que comique: il montre que le bourdon peut donner lieu quelquefois à de risibles quiproquos; nous copions textuellement une lettre adressée au directeur du Grand Dictionnaire:

" Monsieur, accoutumé à trouver dans votre encyclopédie tout ce que j'y cherche, je suis étonné de ne pas y voir figurer le mot matrat, qui est pourtant un mot français, puisqu'il se trouve dans le fragment de la Patrie que je joins à ma lettre. Agréez, etc. ",

Voici maintenant le passage du journal auquel il est fait allusion:

" La cérémonie était imposante. Toutes les notabilités y assistaient; on y remarquait notamment des militaires, des membres du clergé, des matrats, des industriels, etc. "

M. X*** ne s'était pas aperçu du bourdon d'une syllabe et s'était torturé l'esprit à chercher le sens de matrats, quand un peu de perspicacité lui eût permis de rétablir le mot si français de magistrats.

Bourdonniste, s. m. Celui qui fait habituellement des bourdons.

Bourreur de lignes, s. m. Ouvrier qui compose particulièrement des lignes pleines ou courantes, telles que celles des journaux , des labeurs, des brochures, etc. Se prend en bonne ou en mauvaise part. Un bon bourreur de lignes est celui qui compose habituellement et vite la ligne courante. Dire d'un ouvrier qu'il n'est qu'un bourreur de lignes, c'est dire qu'il n'est propre qu'à ce genre de besogne, qu'il ne pourrait faire ni titres, ni tableaux, ni d'autres travaux exigeant une parfaite connaissance du métier.

Bouteille à l'encre, s. f. Nom que l'on donne à l'imprimerie en général, à cause de la difficulté que présente la vérification des comptes, lorsque les corrections d'auteur sont nombreuses.

Briquet (BATTRE LE). V. BATTRE,


Briser, v. intr. Mettre bas, cesser le travail. Se dit particulièrement dans les commandites.

Brisure, s. f. Suspension momentanée de travail accordée aux compositeurs des journaux vers le milieu de leur besogne. Au Rappel, la pige dure six heures avec une BRISURE d'une demi-heure à dix heures. La grande brisure est la cessation définitive du travail, le journal étant achevé.


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