José Angel Manas Je suis un écrivain frustré Traduit de l'espagnol par Jean-François Carcelen Métaillé, coll. Suites no 16, 161 p.
Universitaire de renom et critique redouté, J est un écrivain frustré... et jaloux. Difficile de trancher ce qui le met le plus en rage, entre son impuissance créatrice et le succès d'un de ses collègues, romancier à la mode qu'il surnomme Mozart (lui qui n'est pas même Salieri...) Jusqu'au jour où l'une de ses élèves lui soumet timidement son premier essai littéraire. Damned, c'est un chef-d'oeuvre ! Alors le sang de J ne fait qu'un tour et il décide de s'approprier le roman de l'étudiante.
Enfin, son triomphe est total, tandis que son rival (dont il a piqué la femme au passage) se ratatine. Mais ses ennuis ne font que commencer. Et nous voilà pris à témoin d'une spirale délirante qui conduira J au kidnapping, à la séquestration, au cambriolage, au meurtre et à la nécrophilie. Jusqu'à ce que, enfin libéré de ses démons, il puisse taper les premières phrases d'un livre bien à lui, celui précisément que nous sommes en train de lire.
Drôlement écrite, légèrement poivrée, cette parodie de confession à la première personne est une farce hilarante qui ne recule jamais devant l'énormité. Si c'était un film, cette satire de notre temps (on y voit en effet que construire une oeuvre importe moins désormais qu'acquérir à n'importe quel prix le statut médiatique d'écrivain) ressemblerait à du Almodovar. Mais puisqu'il s'agit d'un livre, on rapprochera plutôt Je suis un écrivain frustré du petit chef-d'oeuvre de Donald Westlake, Adios Scheherazade (ou la crampe du romancier vécue par un pornographe de bas étage, et les catastrophes en chaîne qui s'en suivent). Bref, on s'amuse.
T.H.
|