Dans la paix comme dans la guerre,
Guillermo Cabrera Infante
Traduit de l'espagnol (Cuba) par Robert Marrast.
Gallimard, coll. " L'Etrangère ", 240 p.

Romancier féru de jazz et de culture populaire, scénariste et critique de cinéma, l'auteur de l'inoubliable Trois Tristes Tigres (Gallimard, coll. " L'imaginaire ") vit depuis plus de trente ans en exil à Londres. Ses livres, toujours interdits par Fidel Castro, s'échangent au prix de l'or au marché noir cubain. Alors que le prestigieux prix Cervantes vient de couronner à juste titre une oeuvre incomparable, on réédite en français son premier livre, Dans la paix comme dans la guerre. Cabrera Infante n'avait pas trente ans lorsqu'il publia ce recueilde nouvelles. Cependant, l'appellation d'oeuvre de jeunesse convient mal à ces pages où l'on découvre un conteur en pleine possession de ses moyens, explorant de fond en comble toutes les ressources de l'écriture.

Alternant récits de fiction et vignettes inspirées de faits réels, le livre soumet son lecteur au régime de la douche écossaise. D'un côté; les nouvelles racontent la vie à la Havane à la veille de la Révolution, explorent les thèmes de l'amour et de la mort en scrutant les dimensions secrètes de l'existence, sans renoncer à la part de jeu qu'implique la littérature (ami de Borges et grand admirateur de Lewis Carrol, Cabrera Infante est d'abord un gourmand de mots). De l'autre, les vignettes, comptes rendus percutants des violences policières quotidiennement perpétrées sous la dictature de Battista, relatées avec la sécheresse clinique d'un rapport, rappellent le fond de terreur sur lequel un peuple s'entêtait à vivre en manifestant, même dans la pauvreté la plus noire; une liberté d'esprit et un sens de la dérision également exemplaires. Saisissant contraste, qui fait la force du livre.

Thierry Horguelin


Index    —    © Thierry Horguelin