Romancier
féru de jazz et de culture populaire, scénariste et critique de
cinéma, l'auteur de l'inoubliable Trois Tristes Tigres
(Gallimard, coll. " L'imaginaire ") vit depuis plus de trente ans en exil
à Londres. Ses livres, toujours interdits par Fidel Castro,
s'échangent au prix de l'or au marché noir cubain. Alors que le
prestigieux prix Cervantes vient de couronner à juste titre une oeuvre
incomparable, on réédite en français son premier livre,
Dans la paix comme dans la guerre. Cabrera Infante n'avait pas trente
ans lorsqu'il publia ce recueilde nouvelles. Cependant, l'appellation d'oeuvre
de jeunesse convient mal à ces pages où l'on découvre un
conteur en pleine possession de ses moyens, explorant de fond en comble toutes
les ressources de l'écriture.
Alternant récits de fiction et vignettes inspirées de faits
réels, le livre soumet son lecteur au régime de la douche
écossaise. D'un côté; les nouvelles racontent la vie
à la Havane à la veille de la Révolution, explorent les
thèmes de l'amour et de la mort en scrutant les dimensions
secrètes de l'existence, sans renoncer à la part de jeu
qu'implique la littérature (ami de Borges et grand admirateur de Lewis
Carrol, Cabrera Infante est d'abord un gourmand de mots). De l'autre, les
vignettes, comptes rendus percutants des violences policières
quotidiennement perpétrées sous la dictature de Battista,
relatées avec la sécheresse clinique d'un rapport, rappellent le
fond de terreur sur lequel un peuple s'entêtait à vivre en
manifestant, même dans la pauvreté la plus noire; une
liberté d'esprit et un sens de la dérision également
exemplaires. Saisissant contraste, qui fait la force du livre.
Thierry Horguelin
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