Asmara

Escrime


Vient de paraître

Croiser le fer

Bayard, d’Artagnan, le chevalier d’Éon ; ses figures de bretteurs racontent des histoires différentes, mais néanmoins reliées entre elles par le fil d’une lame. Le chevalier, le duelliste et l’escrimeur sont autant d’archétypes qui révèlent qu’à l’époque moderne, l’épée est une culture que ce livre entreprend d’explorer dans tous ses aspects : du geste de l’escrimeur aux valeurs qui lui sont associées. C’est en effet à partir de la Renaissance que les techniques de l’escrime deviennent un art guidé par des principes savants et moraux. L’analyse des valeurs impliquées dans cet art permet aussi de suivre l’évolution des idéaux de la noblesse qui fait de l’épée le vecteur de son identité.
Il ne faudrait, toutefois, pas oublier que l’art de vivre l’épée à la main reste, de part en part, un art de tuer. À une époque où le port d’une arme blanche est une pratique courante, l’escrime civile et civilisée ne saurait occulter les cadavres abandonnés par les innombrables duellistes. C’est pourquoi, l’histoire de l’épée est aussi une histoire de la violence et de l’inaltérable fascination qu’elle exerce. Pour le découvrir, il faut alors plonger dans les archives d’une justice souvent prompte à occulter ce crime qui trouble l’image d’un roi absolument maître de ses sujets. Une autre vision du rapport entre violence et civilisation se dessine de cette façon.
S’il est souvent admis que la violence est le contraire de la civilisation, on découvre que l’escrime et ses pratiques meurtrières alimentent une véritable civilisation de la violence, c’est-à-dire une culture, un art, un savoir mis au service de l’homicide. Oublions un instant le roman de cape et d’épée et ses duellistes aimables et bavards pour considérer la brutalité de ceux qui, dans le silence des petits matins, règlent leur compte l’arme à la main. L’époque moderne se révèle alors sous un autre jour, grâce à l’archéologie du geste de l’escrimeur, restitué dans toute sa technicité, dans toute sa férocité. C’est ainsi que l’épée peut faire l’objet d’une véritable histoire totale, attentive aux objets, aux gestes, aux pratiques sociales et aux courants intellectuels de la Renaissance aux Lumières.

Pascal Brioist est maître de conférences à l’Université de Tours.
Hervé Drévillon et Pierre Serna sont tous deux maîtres de conférences à Paris-I. Le premier a publié Lire et écrire l’avenir. L’astrologie dans la France du Grand Siècle (1610-1715) (Champ Vallon, 1996); le second, Antonelle, aristocrate révolutionnaire (1747-1817) (Éditions du Félin, 1997).

un volume 15,5 x 24 de 528 pages,
ISBN 2.87673.352.8, 32 euros



Table des matières

INTRODUCTION
(Hervé Drévillon, Pierre Serna)



Première partie
la civilisation de l ‘épée

Chapitre 1: L’invention de l’escrime moderne
de Rabelais à Montaigne
(Pacal Brioist)

1. Du champ de bataille à la ville:
les avatars de l’épée au début du xvie siècle.
Diversité des armes au temps de Rabelais
L’enseignement germanique des «maistres joueux d’espée»
Les raisons du succès de l’épée civile.
2. Une escrime nouvelle pour l’élite aristocratique
L’enjeu distinctif de l’escrime pour la noblesse.
La rapière
La noblesse française et l’escrime des deux côtés des monts

Chapitre 2: La société des escrimeurs
(Hervé Drévillon)

1. Le métier de maître d’armes
De l’escrime réglée…
…Au métier juré
Guerre à la concurrence!
2. Les artisans-gentilshommes: l’identité sociale des maîtres d’armes
L’escrime à la ville
L’escrime à la cour
Les fortunes du fer
Fieffés escrimeurs
Le courage et l’habileté



Deuxième partie
De l’homicide comme une science

Chapitre 3: L’escrime à l’âge de raison
(Pascal Brioist, B., Hervé Drévillon, Pierre Serna)

1. L’art des géo-maîtres d’armes au xvie siècle
L’humanisme au fil de l’épée
La raison en images
L’escrime réduite en art
Le point, la ligne et le cercle
Le poids, la force et la vitesse.
2. Le triomphe de l’escrime cartésienne
De la mécanique corporelle à la mécanique des passions
L’œil de la raison
3. L’escrime des sensations au xviiie siècle
La raison du corps.
1763-1766. L’invention de l’escrime contemporaine

Chapitre 4: Art de vivre ou art de tuer?
(Hervé Drévillon, Pierre Serna)

1. La méthode du discours;
S’escrimer des lèvres et du babil
Qu’est ce que l’escrime?
2. L’art et l’artifice.
Le mystère de la botte secrète
Le privilège de l’ignorance
3. L’art de démoucheter les fleurets.
«En cas d’affaire sérieuse»
L’escrime meurtrière considérée comme un des beaux arts



Troisième partie
La république des duellistes.

Chapitre 5: Le dire et le fer: le duel et sa publicité au xviie siècle
(Hervé Drévillon)

1. Un spectacle sans public
La preuve par le fer
Le duel à l’épreuve de la notoriété
De la difficulté d’être un héros
Le retour de «l’utopie guerrière»
2. Silence, on tue
Quand l’armée devient muette
Justice de robe, justice d’épée
L’honneur «taisible» des duellistes

Chapitre 6: Les masques du combat d’épée au XVIIIe siècle
(Pierre Serna)

Introduction: être ou ne pas être duelliste au xviiie siècle
1. Combats d’épée et crimes invisibles
L’épée au côté de tous
Paris brutal…
Rude province…
2. Par le sang bleu
Duel à la cour
Les codes du fer.
3. La justice ou la discrétion des archives
Des juges complaisants?
Fers croisés et affaires classées

Chapitre 7: Corps morts et paroles vives: les chemins du fer
(Pierre Serna)

Introduction le dernier combat
I. Le cadavre: archéologie du combat d’épée.
La morgue du Grand châtelet.
Des dépouilles par centaines
Mourir pour mourir…
2. La peau trouée
Corps transpercés
Bottes fatales et solides bretteurs.
3. Le tribunal des maréchaux ou la langue plus longue que l’épée
Une institution désuète?
Le vif du sujet
Le duel? un théâtre social
4. À la recherche du duelliste masqué
Un portrait type?
Une nouvelle donne chronologique.
Conclure l’assaut.



Quatrième partie
L’encre et le sang
(Pierre Serna)

Introduction: La culture de l’anti duel au xviiie siècle

Chapitre 8: La défaite des mots?

1. Gens de plume contre gens d’épée
Une définition introuvable
Le duel, une petite guerre.
Le point d’honneur: l’ennemi à pourfendre.
Le combat d’épée ou l’acte antipolitique.
2. La république des lettres et son échec
Le duelliste, un méchant homme en son pervers langage.
Vers une anthropologie du duel.
L’impossible abolition
ou l’impuissance de l’homme de lettres.
3 L’épée au miroir de l’Encyclopédie
La passe d’armes dans le dédale du dictionnaire
Le combat passé au laminoir des juristes.
Duel: un article stratégique.
4. L’épée, un objet de choix
dans le dictionnaire des sciences et des techniques
La lame, d’un objet suranné à une arme de guerre réhabilité
La pédagogie du fer
La Furia francese ou l’âme de la lame
5. L’encyclopédie et l’escrime des mots
Le défi des mots.
Diderot en ses paradoxes
Conclusion: Le marquis de Sade, Juliette et l’épée dans tous ses sens
Épilogue: Plume, épée, impuissance…

Chapitre 9: Point de duel ou point de constitution.

1. Le duel: permanence de l’Ancien Régime en Révolution
ou nouvelle violence politique
Violence et violences
1789, deux mondes face à face
Liberté du représentant ou devoir du député?
2. Le duel aristocrate et l’émeute populaire
Le duel à l’ordre du jour de la Constituante
Mirabeau avocat de l’honneur du peuple.
3. La plume plus acérée que la pointe
Les bretteurs du papier
Une réponse politique et populaire au massacre de Nancy
À droite, les plumes froides, piquantes, ironiques
4. Le silence de la loi.
Que de projets!
La radicalité de Sieyès
Le duel disparaît du droit pénal.
5. La guerre, mère de tous les duels
Pékins, militaires,… tous ferrailleurs
Le duel une barbarie à visage humain.
6. 1815, la Restauration du duel
L’épée dans une meule de foin.
Le juge entre ignorance et arbitraire
Les nouveaux masques du duel

Conclusion: 1837, Le duel devient un homicide.


Conclusion
(Hervé Drévillon, Pierre Serna)

La geste de la violence…le geste violent
Pour une histoire des pratiques brutales et silencieuses.
L’origine du malentendu ou l’invention du duel romantique dans la fiction de cape et d’épée.
La plume et le fer.

Bibliographie