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Contre le rouleur de contres.


Joseph-Renaud (J.), Traité d'Escrime Moderne, Rouen, 1928, pp.259-260.

Certains tireurs ne cessent pas de rouler des contres en toutes les lignes. Leur main ne s'arrête pas: double contre de quarte, double septime enveloppée, double contre de tierce, double contre de sixte, etc. Ils sont assez entraînés pour pouvoir ainsi "tourner la manivelle" pendant une demi-heure sans fatigue apparente.

Ces adversaires-là sont, en général, aussi des preneurs de fer. Quelques uns n'attaquent jamais et se contentent, lorsqu'ils ont trouvé le fer, de riposter et de continuer la phrase avec beaucoup d'énergie et d'insistance.

De vieux escrimeurs se rappellent sans doute un membre de l'Ecole d'Escrime Française, rue Saint-Marc, qui avait typiquement ce jeu et se nommait M. Franconi. Sa main, au fleuret comme à l'épée, ne cessait pas de tourner des contre si rapides, si embrouillés, qu'il était impossible d'essayer un trompement de fer ordinaire.

Devant ces escrimeurs, la feinte de coup droit coupé ou la feinte de coup droit coupé-coupé, donne d'excellents résultats, à condition que l'on ait bien ces deux coups en main. Le coupé final passe par dessus la parade. Que l'on ne craigne pas de se jeter dans une tension!... Les rouleurs de contres, entraînés dans leurs mouvements circulaires, ne sont pas de bons arrêteurs.

Contre M. Franconi, je faisais en marchant, à l'improviste, une absence d'épée en sixte, découvrant complètement la ligne de quarte. Il rompait en parant cinquante contres et, sur cette retraite, j'attaquais par une feinte de coup droit en marchant et coupé. Si je sentais une parade, je redoublais immédiatement par un autre coupé sans me relever.

On peut aussi essayer des coups droits très courts, suivis d'un redoublement par d'autres coupés droits également courts. Un de ces coups se trouve paré mais avec trop peu de fer pour que l'adversaire songe à riposter; et le suivant arrive juste à l'instant où un nouveau contre commence. Il devient ainsi un coup droit au changement.

(...)

A propos des coups au visage


Joseph-Renaud (J.), Traité d'Escrime Moderne, Rouen, 1928, pp.265-266.

Je les ai beaucoup étudiés et pratiqués en attaque et en contre-attaque. En trois duels, j'ai touché trois fois au visage, en attaque. En poule, combien de masques j'ai bosselés!... car ils sont nombreux les escrimeurs qui tiennent une garde très penchée en avant; leur visage est plus près de la pointe adverse que leur poitrine; d'autres attaquent en piquant une tête en avant: on n'a qu'à tendre!... Seulement, sur le terrain, un arrêt au visage doit toujours être donné avec une lame très dure; en effet, une lame molle risque fort de plier beaucoup si la pointe a touché un os et de ne pas empêcher complètement l'attaque d'arriver... Quand le brave Thomeguex se battit avec Enrico Casella, un très fort amateur italien -peu entraîné à ce moment- il se garantit contre une reprise d'attaque en ligne basse par un arrêt au visage qui arriva en plein sur le maxillaire gauche; pourtant, malgré sa supériorité de taille, il s'en fallut de peu qu'il ne fût atteint au ventre, car sa lame avait plié...

Remarquez aussi que les coups au visage blessent très peu, si la lame est molle. Souvent même ils n'empêchent pas de continuer le duel après un pansement sommaire. Donc, si vous n'avez pas une bonne épée, tirez plus bas.

Contre le bourreur


Joseph-Renaud (J.), Traité d'Escrime Moderne, Rouen, 1928, pp.263-264.

Il ne s'agit pas, bien entendu, de l'adversaire qui attaque à bras raccourci parce qu'il ignore l'escrime. Celui-là se jettera dans la première perche que vous lui tendrez. Je parle du tireur qui trompe les parades, surtout les parades de fleuret, en bourrant, qui fera, par exemple, en se fendant, une feinte de une-deux et une bourrade. Votre parade finale peut ne pas rencontrer ce fer qui s'est retiré en arrière et vous recevrez le coup en plein et très dur.

Mais il suffira, me répondrez-vous, de tendre sur le retirement du bras. Certes!... Seulement ce n'est pas facile quand la main de l'attaqué cherche le fer. Et puis, les virtuoses de ce jeu savent à merveille, au cours d'un débat de fer, retirer le bras pour provoquer une tension et la parer-riposter. Certains se servent si adroitement de ce procédé très condamnable en principe, qu'ils en font un mouvement avantageux, correct, raisonné. On trompe bien le fer en coupant, mouvement qui vous oblige aussi à retirer en arrière non pas tout le bras mais la main et l'avant-bras! Il n'y a pas de raison pour qu'on ne le trompe pas non plus en bourrant. Tous les procédés sont utilisables!

Le meilleur moyen de défense contre un tireur qui bourre, c'est de s'en tenir à une garde longue et à des parades longues. Il sera sinon complètement annulé, du moins contraint d'employer d'autres moyens.

Sur le terrain, il y a aussi les risque-tout qui, se sentant en infériorité, se mettent soudain à attaquer et par de grandes bourrades, dans l'espoir -pas toujours déçu- que l'arrêt adverse passera, plaquera ou ne touchera pas à une suffisante supériorité de longueur. Une offensive de ce genre n'a pas grande chance devant un véritable épéiste. Pourtant, c'est à cause d'elle que je vous recommandais d'avoir en main et en jambes l'in-quartata. L'imprudent attaqueur ne trouvera rien devant lui et sera frappé en même temps, d'une façon grave.

Dans les tournois nationaux et internationaux, beaucoup de mes adversaires m'attaquaient de façon désordonnée et en retirant le bras pour essayer de me surprendre ou, tout au moins, pour faire coup double. Un arrêt direct pouvait plier beaucoup et ne pas empêcher l'attaque de toucher un peu; le jury risquait de se tromper et de compter coup double. Aussi avais-je beaucoup travaillé l'in-quartata: elle me rendait de très grands services.

Voici comment elle s'exécute:

Sur une finale en quarte tendez au corps (ou au bras) et en même temps portez le pied gauche à droite environ à cinquante centimètres en dehors de la ligne en vous fendant à demi en arrière.

Relevez-vous vite aussitôt après avoir touché, en reprenant la ligne là où vous vous trouvez; l'adversaire devra, si votre coup est manqué, faire un "à gauche" pour se trouver en garde ordinaire en face de vous.

A condition qu'on "l'aie" bien, l'in-quartata est un coup excellent dans une affaire animée et où les coups sont dirigés au corps.

Elle m'amène à vous parler d'un autre arrêt italien: la passata sotto.

La passata sotto s'exécute ainsi: Sur une attaque haute fendez-vous brusquement en arrêtant en ligne basse.

Votre adversaire passe au dessus de vous et se jette dans votre pointe tendue.

Les italiens se couchent complètement sur le genou droit et posent la main gauche à terre.

J'ai fréquemment employé au fleuret la passata sotto contre des tireurs italiens; en effet, beaucoup attaquent par des séries de coupés et la convention exigeait que j'attende pour parer-riposter; au lieu de cela, je faisais la passata sotto, mais simplement en me fendant en arrière, le corps droit et la main en supination.

A l'épée, c'est un coup moins efficace, moins pratique. Cette esquive du corps en ligne basse me paraît meilleure dans certaines attaques, spécialement dans le croisé de seconde avec la main en prime.

(...)


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